samedi 18 août 2012

La vie sans Rafa

Rafael Nadal lors d'une session d'entraînement à Manacor (Crédit : Mathilde)


Comment passer du rire aux larmes. Tout sourire après sa victoire à Roland-Garros, entré encore un peu plus dans la légende avec ce septième titre conquis Porte d'Auteuil, Rafael Nadal se retrouve quelques mois plus tard à l'arrêt forcé. Comme en 2009, ses genoux l'ont lâché. Mais à la différence de 2009, les tendinites ont laissé la place au syndrome de Hoffa. Ou comment en baver pour se refaire les tendons et se voir récompensé par une inflammation de la boule graisseuse en arrière du tendon rotulien. Bref, comment continuer la guerre lancée par son corps contre sa carrière. Des nouvelles douleurs apparues en février (on se souvient du forfait à Miami) et qui donnent un nouveau visage à son triomphe parisien et à l'émotion intense qui avait saisi le joueur comme son clan. Imaginez qu'avec un peu plus de malchance, l'Espagnol aurait pu voir ses genoux flancher avant de toucher son Graal.

Alors que dire ? Que depuis le choc Rosol de Wimbledon, le circuit vit sans Nadal et que ce n'est pas la joie. Un ATP Tour sans Nadal, c'est un blockbuster qui perd un A-List actor. On s'épargnera les mauvais esprits et autres cyniques. Ce sont les mêmes qui se réjouissaient de l'absence des Williams pour revenir chouiner quelques mois plus tard que le circuit avait perdu son intérêt et que les ''Wiwi'' manquaient... No comment sur la bêtise humaine et la méchanceté gratuite. L'absence prolongée de Rafael Nadal n'est pas une bonne nouvelle à une époque où le Big 4 assure à lui seul quasiment l'intérêt du Tour. L'Espagnol est en plus celui autour duquel tournent les plus grandes rivalités : depuis son ascension, ses duels avec Roger Federer ont fait les beaux jours de ce sport, et en 2011 son mano a mano avec Novak Djokovic en a mis plein les yeux aux suiveurs. Sans lui, le scénario en prend un coup, l'écriture de l'Histoire du jeu aussi. Seule une bataille toutes griffes dehors entre le Serbe et le Suisse pour les derniers gros titres 2012 et la place de n°1 mondiale pourra compenser le manque. Si RF tient la forme, il va en revanche falloir que le Djoker mette ses états d'âme de côté pour retrouver la rage et la concentration qui avaient fait de lui la star de la saison passée. Ces deux joueurs se retrouvent comme les têtes d'affiche de Broadway et les doublures se font rares. On aura d'ailleurs apprécié la réaction des cadors regrettant l'absence de leur meilleur ennemi, tout autant que les réactions d'autres joueurs et joueuses via les réseaux sociaux. Un seul être vous manque... Andy Murray, Juan Martin Del Potro et Jo-Wilfried Tsonga reçoivent là une promotion en or : l'ogre Nadal est à terre, ça fait un Fantastique en moins et ce n'est pas rien vu la domination absolue de ces Avengers de l'ATP. Berdych aurait pu figurer dans la liste s'il n'était pas dans une sorte de traversée du désert de l'outsider. Et David Ferrer si son épaule ne donnait pas des signes de faiblesse. Non, si on doit en choisir un, ce ne peut-être que Murray. Pourquoi ? Parce que Nadal a été son principal bourreau avec Federer en Grand Chelem et que sans lui sur sa route, il pourrait en profiter pour faire sauter le verrou Grand Chelem que son or olympique a déjà bien huilé. Le bémol : tournée sur dur catastrophique avec un abandon à Toronto et une défaite face à Chardy à Cincinnati. On me dit que ce n'est pas grave... J'ai envie de répondre que si, à une époque où il faut dominer non stop pour régner.

Rafael Nadal lors d'une session d'entraînement à Manacor (Crédit : Mathilde)


Il sera donc impossible de ne pas voir planer sur le tableau à New York l'ombre de Rafael Nadal, champion que certains ont destiné à voir son destin brisé par ses problèmes physiques. Un style de jeu à l'engagement total, un calendrier qui ne fait pas de cadeau à la machine et un niveau de jeu général où la condition physique est devenue aussi importante que la qualité de frappe. On se souvient d'un Safin lançant à la fin de sa carrière qu'il avait l'impression de rentrer dans une salle de body building quand il passait dans les vestiaires. Et pour Rafa on a malheureusement à l'oreille la prophétie made in Agassi, annonçant que le champion tirait des chèques en blanc sur sa santé que son corps ne serait pas capable d'honorer. Mais, franchement, on ne va pas lui demander de ne plus être Rafa ?... Son style de jeu a déjà bien évolué mais il ne va pas se mettre au service-volée ! Et il joue trop : ok parfois, mais c'est LE compétiteur ultime. Oui, il peut et doit ajuster tout ça. Mais non il ne peut pas et ne doit pas nier ce style qui a fait de lui une légende. Ce fatalisme, Rafa l'a toujours combattu. Il s'est remis de cette grave blessure à un pied, il s'est relevé du traumatisme de 2009 : comment oublier la cinglante réponse de 2010 avec trois Majeurs au compteur et un niveau de jeu stratosphérique ? Comment refuser à cet immense champion l'optimisme ? Pour les services rendus au jeu sur et hors des courts, Rafael Nadal mérite bien qu'on y croit. Oui, il reviendra. Oui, il gagnera encore des titres du Grand Chelem. Oui, il portera de nouveau le dossard n°1. Ces dernières années, les Nostradamus en herbe ont pris cher avec dans l'ordre des prédictions : Novak Djokovic sera l'éternel Poulidor, les soeurs Williams sont finies, Roger Federer est en plein déclin, Andy Murray ne gagnera jamais un grand titre. Voilà voilà... Car ce qui peut sembler être une prédiction logique se bute parfois à la volonté du champion. Et quand ce champion s'appelle Nadal, on n'a tout simplement pas le droit de ne pas l'écouter. Alors on va patienter jusqu'au jour où un gaucher bondissant fera son entrée sur le court, placera et replacera ses bouteilles, où on reverra flotter son bandana, où on entendra un Vamos retentir et où on verra un coup droit décroisé en mode missile meurtrir l'opposition. En attendant, aux autres d'écrire la vie sans Nadal.

PS : un immense merci à Mathilde pour les photos en direct de Manacor, et pour les petites newss ;)

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